Dune: Aventures dans l’Imperium – DevBlog #3 – Qu’a donc Dune de si spécial ?

Qu’a donc Dune de si spécial ?

par Andrew Peregrine

 

L’un des plus grands chefs-d’œuvre de la littérature de science-fiction se révèle si fondateur pour le genre qu’il se place au même niveau que Le Seigneur des anneaux. Mais qu’est-ce qui le rend aussi fondamental ? Comment a-t-il pu si bien résister au temps ? C’est ce que je tente d’expliquer ici, bien que les arguments que j’avance ne soient pas, loin de là, les seuls. Dune reste suffisamment vaste et complexe pour que chacun y trouve ce que j’aurais pu ignorer.

 

Un futur très lointain

Le roman ne se déroule pas quelques siècles, mais plusieurs millénaires dans le futur. Ses événements surviennent dans l’Univers connu en 10 191, et l’an 0 de son calendrier se situe dix mille ans après notre époque. L’Égypte antique est devenue un royaume unifié il y a à peine cinq mille ans de cela, et notre monde arbore un visage très différent. Dans quelle mesure la vie aura-t-elle changé dans vingt mille ans ?

 

Technologie avancée, mais invisible

Pour une époque aussi lointaine, vous seriez en droit d’attendre une très grande évolution matérielle, et vous auriez raison. Mais Dune ne parle pas de vaisseaux spatiaux élégants, d’ordinateurs et de pistolets laser. Sa technologie est si avancée qu’elle se fond dans le décor jusqu’à presque y disparaître. Une simple ceinture alimente les boucliers personnels, des armes mortelles se dissimulent dans la main, les poisons deviennent indétectables… La liste est longue. Dune paraît peu développé sur ce plan, car ses machines sont si petites et sophistiquées qu’on peut aisément les rendre invisibles.

 

Pas d’ordinateurs

La plupart des univers de science-fiction débordent de robots, de systèmes informatiques et d’intelligences artificielles. Ce trait revêt une telle prépondérance qu’il est même difficile d’envisager ce genre sans aucun ordinateur. Or dans Dune, ils brillent par leur absence. En effet, dix mille ans auparavant, l’humanité s’est retrouvée asservie par les IA qu’elle avait créées. Elle n’a regagné sa liberté qu’au prix de milliards de vies, de plusieurs planètes et de longues années de guerre. Cela ne devait plus jamais se reproduire. L’humanité a alors édicté une règle fondamentale : « ne point faire de machine à l’esprit de l’homme semblable ». Le niveau technologique recula, mais les gens apprirent à compenser ce retard en améliorant leurs propres capacités mentales et physiques.

 

L’humanité n’a pas simplement avancé, elle a évolué

Ce bond dans le futur n’a pas seulement affecté la technologie, il a influencé l’humanité. Certes, nous possédons bien plus d’objets très sophistiqués, mais nous sommes aussi parvenus à libérer notre potentiel mental et physique. Les écoles enseignent à leurs étudiants comment contrôler le moindre de leurs muscles, remarquer les plus légers changements dans l’humeur ou de langage corporel de leur interlocuteur et stocker les données mieux qu’un ordinateur. Les individus se sont améliorés et les capacités de chacun peuvent s’éveiller à un niveau surnaturel.

Cela ne signifie pas que notre apparence s’est altérée. Les gens n’ont pas fusionné avec les machines, ils ne se sont pas projetés dans la matrice en quête d’une ère digitale. Les édits du Jihad butlérien ne permettront jamais une telle transgression. Dune n’est donc pas un univers transhumaniste, et les personnages seraient profondément troublés à l’idée de modifier leur essence. Au contraire, c’est un monde où l’humanité développe tout ce qu’elle peut.

 

Vivre dans le passé

Contrepoint de cette évolution, l’humanité est revenue à l’ancien système féodal. Les nobles vivent dans le luxe et les paysans travaillent la terre à l’aide d’outils archaïques pour générer cette richesse. Lorsque vos seigneurs et vos dames possèdent toute la planète sur laquelle vous habitez, comment parvenir à en trouver une meilleure ? Mais la vie des aristocrates n’est pas facile pour autant. La politique de l’Imperium demeure un jeu mortel où l’on manie le meurtre, la corruption et la vengeance. Par certains côtés, tous ces éléments confèrent à Dune une ambiance presque médiévale, malgré les immenses vaisseaux spatiaux et la technologie de pointe.

 

La religion est toujours importante

Pour se libérer des machines, l’humanité a dû livrer un combat désespéré. Elle se trouvait dans une telle position d’infériorité que sa victoire relevait du miracle, et que la lutte est devenue une guerre sainte. Ces croyances ont insufflé à la société « post machine » des valeurs religieuses qui demeurent au premier plan même après des milliers d’années. Tout le monde n’embrasse pas la foi, mais hors de question de violer les interdits sur la création de machines pensantes. Plus qu’une loi, c’est une alliance avec Dieu. Si quelqu’un venait à la rompre, la ruine frapperait sûrement à nouveau l’humanité. Cette conviction a conduit une organisation majeure, le Bene Gesserit, à s’attribuer les oripeaux du culte. Elle utilise parfois la croyance à son avantage, instille des valeurs qui œuvrent en sa faveur, et parvient ainsi à manipuler des cultures planétaires. Comme toujours, la religion demeure une force motrice d’espoir, de foi et de communauté, mais également de contrôle.

 

Création d’univers

Lorsque nous évoquons ce sujet, Dune prend le concept au pied de la lettre. Frank Herbert ne s’est pas contenté de créer un décor convaincant. Il a détaillé avec soin l’écologie d’Arrakis et justifié l’existence d’une planète aussi désolée. L’idée de son univers est née grâce à un article scientifique qui expliquait comment utiliser les plantes pour stabiliser les dunes. Avec ses grands vers des sables, ses petites souris du désert et sa végétation caractéristique, Arrakis devient palpable. Ce sont ces subtilités qui lui insufflent la vie et offrent au lecteur le sentiment de s’y trouver pour de bon.

 

L’humanité n’a pas appris autant que nous l’espérions

Voilà bien la triste réalité de l’univers de Dune. Qu’a donc appris l’humanité, en dehors de ne pas laisser les machines penser à sa place ? Pas grand-chose, hélas. Elle se divise toujours au sein de Maisons nobles qui exigent la plus absolue loyauté et dirigent comme bon leur semble des planètes entières. La crainte de l’assassinat et du poison fait partie du quotidien de l’aristocratie. À ses yeux, les citoyens de l’Imperium doivent s’échiner pendant de longues heures pour un salaire de misère, alors qu’elle vit dans l’opulence. La société suinte la jalousie, la rivalité, la violence, la mort, l’intrigue, la sournoiserie. Exceptionnellement conscientes de la réalité des classes, les factions se montrent avides de puissance, d’argent, de gloire ou d’une plus grande espérance de vie. En résumé, l’univers de Dune est un épicentre de politique, de complots, de méchants et d’aventures. En bref, tout le nécessaire pour un fantastique jeu de rôle.

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